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leurs noirs squelettes sur les nuages sanguinolents du soir, dessinaient à cet endroit comme une espèce de cirque fait exprès pour la lutte.

Le comte, déposant les deux épées hors de la portée de Dolfos, prit la bêche et traça sur le sable un parallélogramme de la longueur à peu près d’un homme couché ; puis il se mit à creuser, rejetant la terre à droite et à gauche.

Glacé d’épouvante, Dolfos s’était appuyé contre un arbre, et, d’une voix affaiblie, il dit à Volmerange :

— Que faites-vous ? grand Dieu !

— Ce que je fais ? répondit Volmerange sans quitter sa besogne ; je creuse votre fosse ou la mienne, selon les chances ; le survivant enterrera l’autre…

— Mais c’est horrible ! râla Dolfos.

— Je ne trouve pas, continua Volmerange avec une ironie cruelle ; nous n’avons pas, que je pense, l’idée de nous faire seulement quelques petites égratignures ; cette manière est commode et décente. Mais bêchez donc un peu à votre tour, ajouta-t-il en sortant de la fosse creusée à moitié ; il n’est pas juste que je me fatigue tout seul, faisons en commun le lit où l’un de nous doit coucher.

Et il remit la bêche aux mains de Dolfos.

Celui-ci, tout tremblant, donna au hasard cinq ou six coups qui enlevèrent à peine quelques mottes de terre.

— Allons, laissez-moi finir, dit Volmerange en reprenant l’outil, vous qui êtes si bon comédien, vous ne joueriez pas bien le rôle du