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— Deux, ce n’est pas assez, il en faut trois : un pour Brahma, un pour Wishnou, un pour Shiva. Regardez bien attentivement, je vais répéter l’incantation, dit Priyamvada, en reprenant son attitude excentrique.

Le troisième cercle parut ; d’abord indécis et décoloré, pareil à ces ombres d’arc-en-ciel qui se projettent à côté du véritable ; bientôt il arrêta ses contours et s’inscrivit radieux et brillant à côté des deux autres.

— Il y a trois cercles à présent, s’écria le comte, qui, malgré son incrédulité européenne, ne pouvait s’empêcher d’être étonné de l’apparition de ces trois anneaux flamboyants, qu’aucune raison physique n’expliquait.

— Les anneaux y sont tous les trois, dit Priyamvada ; le cadre est prêt. Esprits, amenez celui qu’on veut voir. En quelque partie du monde et en quelque temps qu’il ait vécu, fût-ce avant Adam, qui est enterré dans l’île de Serendib, forcez-le à paraître et à se trahir lui-même, ombre, s’il est mort, portrait, s’il est vivant.

Ces paroles, dites du ton le plus solennel, firent pencher plus avidement Volmerange sur la coupe. Devait-il croire à l’efficacité des incantations magiques de Priyamvada ? Ses préjugés d’homme civilisé se révoltaient à cette idée, et cependant les effets déjà produits ne lui permettaient guère d’être incrédule. Son incertitude, en tous cas, ne devait pas durer longtemps.

Au fond de la coupe, dans l’espace circonscrit par les trois anneaux lumineux, Volmerange vit apparaître dans les profondeurs d’un immense