Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paupières, ne laissaient plus voir que le blanc nacré du cristallin. Sa gorge se gonflait, soulevée par d’ardents soupirs, et le feu de la prière glissait des teintes pourprées sous l’ambre jaune de sa peau. Elle continua ainsi quelque temps, et, revenant à un idiome intelligible, elle dit, comme s’adressant à des êtres visibles seulement pour elle : « Allons, le Rouge et le Doré, faites votre devoir. »

Volmerange, qui jusque-là s’était tenu penché sur la coupe sans y découvrir autre chose que de l’eau claire, vit se répandre tout à coup dans sa limpidité un nuage laiteux, comme si une fumée montait du fond.

— Le nuage a-t-il paru ? demanda la jeune Indienne.

— Oui, on dirait qu’une main invisible a répandu une essence dans cette eau qui a blanchi tout à coup.

— C’est la main de l’Esprit qui trouble l’eau, répondit Priyamvada du ton le plus simple.

Le comte ne put s’empêcher de relever la tête.

— Ne regardez pas hors de la table, s’écria Priyamvada d’un ton suppliant, vous rompriez le charme.

Docile à l’injonction de sa brune cousine, Volmerange inclina de nouveau le front.

Que voyez-vous maintenant ?

— Un cercle coloré se dessine au fond de la coupe.

— Rien qu’un seul ?

— Oh ! le voici qui se dédouble et brille nuancé de toutes les couleurs du prisme.