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Un pli de la portière se dérangea un peu, et laissa scintiller les yeux métalliques du vieux brahme.

Volmerange et Priyamvada étaient trop occupés d’eux-mêmes pour y faire attention.

— Bien, se dit Dakcha en contemplant le spectacle, il paraît que l’Europe et l’Inde se réconcilient, et que Priyamvada et Volmerange veulent s’unir selon le mode gandharva, un mode très respectable et que Manou admet parmi ses lois. Rien ne pouvait mieux servir mes projets.

Et il se retira aussi doucement que possible.

— Viendrez-vous avec moi dans le Pendjab ? dit Priyamvada au comte, dont les lèvres venaient d’effleurer son front.

— Oui, mais il me reste un coupable à punir, répondit Volmerange d’un ton où tremblait la fureur.

— C’est juste, répliqua la jeune fille, mais permettez à votre esclave de s’étonner qu’un homme qui vous a offensé ne soit pas encore anéanti par votre vengeance.

— Je ne le connais pas ; j’ai eu la preuve du crime et j’ignore le criminel. Un art infernal a ourdi cette trame. Aucun indice, aucune trace ne peut me guider.

— Écoutez-moi, dit Priyamvada pensive ; vous autres Européens, qui vous fiez à vos sciences factices inventées d’hier, vous ne vivez plus dans le commerce de la nature, vous avez brisé les liens qui rattachent l’homme aux puissances occultes de la création. L’Inde est le pays des traditions et des mystères, et l’on y sait encore plus d’un vieux