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ble triste et préoccupé ; ne serait-il pas heureux ?

Un soupir fut la seule réponse de Volmerange.

— Oh ! personne n’est heureux, continua Priyamvada, dans ce climat maudit, sur cette terre ingrate où les fleurs ne peuvent éclore qu’emprisonnées sous verre avec un poêle pour soleil, où les femmes sont pâles comme la neige sur le sommet des montagnes et ne savent pas aimer.

Cette phrase, qui ravivait les blessures de Volmerange, lui fit faire un soubresaut douloureux ; ses yeux étincelèrent.

La jeune Indienne, saisissant au vol cet éclair de colère, comprit qu’elle avait touché juste et reprit de sa voix la plus douce :

— Une femme d’Europe aurait-elle causé quelque chagrin au descendant des rois de la dynastie lunaire ?

Volmerange ne répondit pas, mais un profond sanglot souleva sa poitrine.

Fondant sa voix dans une intonation plus moelleuse encore, Priyamvada continua son interrogatoire :

— Est-il possible que mon seigneur, dont la beauté éclatante surpasse celle de Chandra lorsqu’il parcourt le ciel sur son char d’argent, n’ait pas été aimé aussitôt qu’il a daigné abaisser son regard sur une simple jeune fille, lui que les Apsaras seraient heureuses de servir à genoux ?

En prononçant cette phrase, la jeune Indienne avait noué ses bras autour du corps de Volmerange comme une jolie mâlicâ en fleur qui s’enlace