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peur eût vu aisément s’agiter et grouiller des formes monstrueuses.

À coup sûr Benedict était brave, mais à la fureur et au désespoir d’être séparé de miss Amabel vint se joindre le sentiment de la conservation personnelle, justement éveillée. Cette étrange et ténébreuse aventure était bien faite pour inspirer des appréhensions au plus courageux.

Enfermé seul, sans armes, sans aucun moyen de défense, dans une chambre étouffée et sourde, dont la porte en s’ouvrant allait peut-être donner passage à des assassins, Benedict se laissa aller à un découragement profond, une autre crainte encore plus terrible vint lui traverser l’esprit : si les assassins ne venaient pas, si on allait l’abandonner dans cette chambre hideuse, triviale oubliette à l’usage d’ignobles meurtriers !

Cette idée de mourir là de faim ou de soif, comme un chien enragé, loin du ciel et des hommes, se présenta si vivement à son esprit qu’une sueur froide lui ruissela subitement des tempes. Un assassin debout sur le seuil de la porte ouverte lui eût paru un ange libérateur, car c’eût été la mort rapide et sans torture, au lieu d’une agonie atroce, plus affreuse encore que celle d’Ugolin. — Ugolin avait au moins ses sept fils à manger.

Et il se mit à parcourir la chambre à grands pas, cherchant une issue, sondant les murs ; mais il n’existait dans la chambre aucune autre porte que celle qu’il avait vainement essayé d’ébranler, ou du moins elle était si habilement masquée qu’il n’y avait aucun moyen de la découvrir ; et encore, en supposant qu’il l’eût découverte, à quoi cela