Page:Gautier - Les Cruautés de l'Amour, E. Dentu, 1879.djvu/79

Cette page a été validée par deux contributeurs.
67
les cruautés de l’amour

Il prit son meilleur cheval et passa toute la journée dehors ; il tua quelques corbeaux qu’il ne ramassa pas et un renard qu’il rapporta à la ferme.

Clélia s’était mortellement ennuyée et impatientée pendant cette journée. Catherine avait eu à souffrir de sa maussaderie, Macha avait été rudoyée, puis la jeune fille s’était excusée, prétextant un grand mal de nerfs. Les deux femmes étaient tout attristées de la voir ainsi.

Lorsque André revint, Clélia lui dit brusquement, moitié riant, moitié fâchée :

— Tu sais, je n’entends pas avoir un fiancé qui sorte ainsi sans ma permission.

— La barynia daigne se moquer de moi, dit André.

— Je veux être la maîtresse au logis et il faudra que mon mari m’obéisse, continua-t-elle.

André la regarda un instant.

— Les paysans ne sont pas ce que vous croyez, dit-il avec une singulière expression, ils battent leurs femmes et ce sont eux qui commandent.

— Est-ce vrai, cela, Katia ? s’écria la jeune comtesse.

— Ivan ne me bat pas, dit Catherine, mais cela est cause que l’on se moque quelquefois de lui au village.

Aussitôt après le souper, André, prétextant une grande fatigue, se retira dans sa chambre.