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les cruautés de l’amour

habitants du village. Il ne resta dans les isbas que les malades et les infirmes.

La famille d’Ivan Ivanovitch arriva la dernière ; la faute en était à Clélia qui avait consacré de longues heures à sa toilette, d’ailleurs charmante. La jeune comtesse avait adopté le costume national porté encore les jours de fêtes dans les campagnes et, tout surchargé de pierreries et d’or, aux bals de gala à la cour. C’était une tunique à taille très-courte, en damas bleu de ciel ouaté et piqué, bordée d’un large galon d’or et retombant sur une jupe de drap fin. Au-dessus du front s’arrondissait le povoïnik, cette coiffure qui a la forme d’un large diadème. Il était en velours bleu clair brodé de palmettes d’or. Les cheveux d’un blond si doux de Clélia, réunis en une seule tresse, lui tombaient jusqu’aux jarrets.

Elle ne parut nullement embarrassée de voir tous les regards tournés vers elle. Elle s’avança tranquillement avec un demi-sourire un peu méprisant. Il était trop facile de triompher au milieu de ces femmes empaquetées dans une sorte de redingote informe, la tête couverte d’un simple mouchoir noué sous le menton.

Akoulina seule portait, comme Clélia, le costume national.

La paysanne était peut-être plus régulièrement belle que la jeune comtesse, mais il lui manquait