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les cruautés de l’amour

vous attendrai huit jours. Passé ce temps, tout sera fini pour moi. Je suis un misérable fou, prenez pitié de ma faiblesse. »

À la lecture de cette lettre, Juliette demeura interdite, sans voix, sans mouvement. Puis brusquement, son front s’empourpra, elle froissa le papier avec colère et le jeta loin d’elle.

Maurice attendait dans une douloureuse anxiété, la raison lui revenait peu à peu et il comprenait toute l’indignité de sa conduite ; il sentait qu’il s’était fermé à jamais cette maison si hospitalière et aussi peut-être le cœur de Juliette. Il attendait, pourtant.

Les huit jours s’écoulèrent longs et cruels. Le neuvième matin trouva Maurice, qui ne s’était pas couché, accablé de honte et de douleur dans le vieux fauteuil en velours jaune.

— Que vais-je faire maintenant ? se disait-il. J’ai moi-même, comme un enfant, brisé mon bonheur. Ma vie est finie. J’ai un vide affreux dans le cœur, je sombre dans un abîme que j’ai creusé à plaisir. Elle n’est pas venue ! Pouvait-elle venir ? Comment ai-je osé lui faire une telle proposition ? Enfin, c’est fini ! je vais partir. Partir où ? Mourir plutôt.

Et le jeune homme, cachant sa tête dans ses mains, laissa éclater des sanglots qu’il ne pouvait plus contenir.