Page:Gautier - Les Cruautés de l'Amour, E. Dentu, 1879.djvu/303

Cette page a été validée par deux contributeurs.
291
les cruautés de l’amour

dait, ils avaient tous l’air embarrassé et un peu gauche.

Juliette n’était pas avec eux.

Maurice se dissimula derrière les groupes, sortit du Casino et courut vers la maison de la jeune fille.

— Je l’apercevrai peut-être, se disait-il.

La fenêtre du salon au rez-de-chaussée donnait sur la rue ; elle était entr’ouverte, et une lumière filtrait à travers les rideaux tirés.

— Elle est là, se dit Maurice.

Et il se coula, sans bruit, près de la croisée.

En plongeant son regard par un bâillement des rideaux, il vit Juliette à demi couchée dans un fauteuil, immobile, le front dans la main. La lueur de la lampe, atténuée par un globe, l’enveloppait d’une lumière pâle et douce. Elle était en peignoir blanc ; ses cheveux blonds négligemment noués, elle semblait comme écrasée sous le poids d’un chagrin.

Sa main retomba. Maurice vit qu’elle pleurait.

— Juliette ! s’écria-t-il.

Et il voulut s’élancer vers elle ; mais la fenêtre avait des barreaux qu’il secoua avec force.

La jeune fille avait fait un bond vers la croisée : elle écarta les rideaux. Maurice voulut lui saisir la main, mais elle se recula.