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les cruautés de l’amour

regarda. Devant la pâleur de la jeune fille et la tristesse pleine de dignité de son regard, il sentit son cœur se serrer, son amour lui revint tout entier.

Il s’éloigna cependant en jetant à Juliette un regard chargé de repentir et de muettes prières, qu’elle sembla ne pas voir.

Lorsqu’il fut de retour chez lui, il ne vit plus qu’elle et il éprouva une vive douleur à l’idée de partir et de cesser de la voir.

— Pourquoi ai-je dit que je partais ? se demanda-t-il. Je suis décidément fou à lier.

Il ne put rien manger à son dîner ; la nuit, l’insomnie et la fièvre le chassèrent de son lit. Il sortit et alla rôder autour de la maison de Juliette.

Une des fenêtres du premier étage était éclairée, des ombres allaient et venaient.

— Il y a quelqu’un de malade, se dit Maurice avec un serrement de cœur.

À un moment, on ouvrit brusquement la fenêtre comme pour donner de l’air à une personne oppressée.

— Elle souffre, se disait Maurice, et il me semble que c’est à cause de moi. Nos cœurs s’entendent déjà, elle sait bien que je l’aime et semble répondre à mon amour. Je l’ai chagrinée d’une