Page:Gautier - Les Cruautés de l'Amour, E. Dentu, 1879.djvu/300

Cette page a été validée par deux contributeurs.
288
les cruautés de l’amour

La conversation continua quelque temps sur ce ton. Mme  Manivaux faisait de vains efforts pour la rendre un peu plus intime ; Maurice semblait prendre plaisir à la maintenir sur le terrain des banalités.

Julie et Lili étaient entrées dans le salon.

— Faites donc un peu de musique, leur dit leur mère à bout de ressources.

Elles se firent prier d’abord, puis attaquèrent une sonate à quatre mains.

Maurice les écouta en les regardant du coin de l’œil avec un mauvais sourire ; il ne voyait plus que des demoiselles à marier avec une faible dot et peu d’attraits. Juliette absente, il lui semblait qu’elle était peu différente de ses sœurs.

— Que diable fais-je dans ce milieu ! se disait-il.

La sonate terminée, Maurice complimenta les jeunes filles et se leva pour se retirer.

— Nous nous reverrons, j’espère, dit Mme  Manivaux en lui tendant la main. Vous restez toute la saison ?

— Non, madame, dit le jeune homme, de graves affaires me rappellent à Paris plus tôt que je ne le désirais ; mais j’aurais l’honneur de venir prendre congé de vous.

Juliette était entrée sur cette phrase. Maurice la