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les cruautés de l’amour

pas un de vos mouvements. Vous alliez d’un buisson à l’autre, légère, fraîche comme les fleurs que vous cueilliez ; je croyais voir la fée aux roses dans son domaine. C’est de cette place que vous m’avez jeté une fleur pour me chasser.

— Méchant, dit-elle, je vous l’ai donnée !

— Permettez-moi alors de vous rendre votre doux présent, dit Maurice redevenu heureux.

Et coupant la tige d’une rose-thé, il la piqua dans les cheveux de Juliette. Elle le remercia d’un sourire et d’un doux regard de ses yeux couleur de myosotis.

— Quand elle sera fanée, la garderez-vous ? dit-il à demi-voix.

— Oui, dit la jeune fille en baissant les yeux.

En ce moment Julie et Lili, qui les épiaient sans doute, s’éloignèrent un instant, puis revinrent. Elles étaient allées se mettre des roses dans les cheveux. Jules en avait piqué une à son képi.

Maurice ne put retenir un mouvement d’impatience. Il arracha la rose dont il avait orné les cheveux de Juliette et la jeta à terre.

La jeune fille se leva brusquement avec des larmes dans les yeux.

— Je suis un butor, un misérable ! s’écria Maurice en se cachant le visage dans les mains ; par-