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les cruautés de l’amour

elle s’était assise en face de lui et avait relevé sa voilette. Son joli visage, animé par la marche et la chaleur, avait une douceur joyeuse, pleine de charme. La blancheur de son front contrastait avec l’incarnat pâle de ses joues et amenait tout d’abord à la pensée la métaphore ancienne et rebattue d’un lys près d’une rose. Pour compléter le bouquet, ses grands yeux d’enfant rappelaient les pétales du myosotis. Mais Maurice ne sut à quoi comparer le joli nez aux narines larges et mobiles et la petite moue pourprée qui relevait sa lèvre supérieure. Quant aux cheveux, le vermeil, les blés, les rayons de soleil y passèrent et furent trouvés tout à fait insuffisants par l’enthousiaste et presque amoureux jeune homme.

C’était bien la réalisation du type rêvé. Lorsqu’elle tournait la tête et que Maurice pouvait la voir du profil, le pli de la lèvre s’accentuait davantage et donnait à la bouche une expression de mutinerie pleine d’étrangeté.

La jeune fille regardait la campagne à travers les étroites fenêtres, mais bien souvent ses yeux rencontraient le regard de Maurice. Alors elle détournait la tête et comprimait un imperceptible sourire, embarrassé, un peu moqueur. Le jeune homme, honteux, regardait à son tour la campagne, et, pendant ce temps, la