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les cruautés de l’amour

répandaient un parfum délicieux, André la considérait avec la surprise de quelqu’un qui rêve encore. N’ayant pas assisté au début de la conversation, il ne savait ni qui elle était ni ce qu’elle venait faire chez eux ; il pouvait du moins connaître son visage. Il vit une peau d’une incomparable blancheur, des yeux noirs bordés de cils énormes comme ceux des enfants, des cheveux qui ressemblaient au vermeil lorsqu’il est un peu pâli par l’usage, un nez fin dont les narines semblaient transparentes, et une bouche de forme un peu indécise mais d’une grâce extrême cependant, le sourire la soulevait d’un seul côté et creusait une fossette dans la joue. Les sourcils, très-mobiles, donnaient par instant une expression grave à cette tête enfantine. Le regard était plein d’assurance et l’on devinait une énergie tenace sous cette beauté frêle et mondaine.

— Qui peut-elle être ? se demandait André.

Elle releva son joli visage vers lui et lui tendit le paquet de thé enveloppé d’une feuille de plomb. Puis elle se débarrassa de sa pelisse de satin noir, doublée de renard bleu, et du capuchon qui couvrait sa tête. Les boucles d’or de ses cheveux roulèrent sur son dos. Une chaîne de Venise, qui tenait sa montre, s’était prise à une agrafe qu’elle arracha avec un mouvement d’impatience.

— Voyons, reprit-elle, je continue mon histoire.