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les cruautés de l’amour

dit milady, qui reconnut ma voix, milord est-il éveillé ?

— Milord est noyé, madame.

— En vérité ! reprit-elle en riant ; et mon chocolat ?

— Il est dans ma main.

— Eh bien, je vous prie de le remettre au domestique ou au cuisinier, si vous avez la bonté.

— Il n’y a plus de domestique ni de cuisinier, madame !

— Alors, savez-vous faire le chocolat, monsieur de Puyroche !

— Avec quelle joie j’aurais appris à le faire pour vous être agréable, milady ! Mais la cuisine est submergée, et les fourneaux se sont éteints dans l’eau salée.

— Oh ! n’importe, dit-elle ; j’ai ici un petit système à l’esprit-de-vin.

Et milady sortit en riant de sa cabine, limpidement jolie, comme toujours. Des cheveux d’un blond pâle, très-longs, bouclés à peine, roulaient sur ses épaules ; un ruban de velours bleu les relevait sur le front. Elle portait une vaste jupe de mousseline rose, brodée de noir, qui laissait voir dans la transparence de l’étoffe des pieds minces, chaussés de pantoufles rouges et le commencement fluet et rond de la jambe. Au-dessus