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les cruautés de l’amour

« Tous les trésors de l’empereur valent-ils la douceur de ton regard ? Toute sa puissance, qu’est-elle auprès d’une parole de ta bouche ?

« Où donc es-tu, mon bien-aimé ? Que fais-tu pendant que mes larmes, goutte à goutte, tombent dans le fleuve ? »

— Bien, dit l’empereur lorsque Lon-Foo eut cessé de chanter. Je sais maintenant pourquoi elle s’est enfuie et me dédaigne.

Il entra dans la barque et Lon-Foo se releva vivement.

L’empereur en la revoyant eut un battement de cœur profond et subit. Cette sensation presque douloureuse le combla de joie, car les émotions sont choses rares pour ceux qui ont la toute-puissance.

— Jeune fille, veux-tu me conduire sur l’autre rive ? dit-il.

— Certainement, seigneur, répondit Lon-Foo, n’est-ce pas mon métier de traverser le fleuve à toute heure ?

— Ce métier ne me semble cependant pas digne de toi, dit l’empereur.

— Il me convient beaucoup et je serais incapable d’en exercer aucun autre, dit Lon-Foo, en éloignant le bateau du rivage.