Page:Gautier - Les Cruautés de l'Amour, E. Dentu, 1879.djvu/176

Cette page a été validée par deux contributeurs.
164
les cruautés de l’amour

— L’empereur ! s’écria la grand’mère en s’affaissant sur une chaise.

— Oui, le Fils-du-Ciel lui-même ! dit le mandarin ; il a vu Lon-Foo revenant du cimetière, il a conçu pour elle une passion violente qui ne lui laisse plus de repos ; il fait savoir à celle qu’il aime qu’il veut la prendre pour femme, et que demain un cortège magnifique viendra la chercher pour la conduire en grande pompe au palais impérial. J’espère, ajouta le haut fonctionnaire, que lorsqu’elle sera l’épouse favorite de notre maître, la belle Lon-Foo n’oubliera pas le messager qui lui a porté le premier la bonne nouvelle.

Et, après de nouvelles salutations, le mandarin s’éloigna sans que Lon-Foo, atterrée, eût prononcé une parole.

L’ahurissement joyeux de la grand’mère était si profond qu’elle ne remarqua pas la tristesse et l’épouvante de Lon-Foo. Elle envoya quérir toutes ses connaissances pour leur apprendre la merveilleuse nouvelle, et bientôt la maison fut pleine de monde. Lon-Foo se laissa complimenter sans paraître apercevoir ceux qui s’empressaient autour d’elle ; elle ne parlait pas et ne regardait pas. On crut que sa nouvelle position la rendait déjà fière et méprisante.

Lorsque, la nuit venue, Lon-Foo se fut retirée