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les cruautés de l’amour

dromadaires, d’éléphants ou de lions de pierre se faisant vis-à-vis. Toutes ces statues se détachaient en noir sur le ciel rose et bleu pâle, et de grandes ombres obliques s’étendaient sur le sol.

Bientôt une forme svelte et gracieuse se glissa à travers la forêt formée par les jambes, massives ou grêles, des animaux de pierre, elle atteignit la tombe près de laquelle s’était assis Li-Tso-Pé et s’assit à côté de lui.

— Me voici, dit-elle, l’angoisse serre mon cœur, car j’ai vu que ton visage est triste.

— Écoute, Lon-Foo, dit Li-Tso-Pé, mes parents veulent me marier avec la fille d’un grand magistrat.

— Est-ce possible ? s’écria Lon-Foo en devenant pâle comme les pierres des tombes.

— Je ne veux pas me conformer aux usages qui permettent de prendre plusieurs femmes, continua Li-Tso-Pé ; je ne peux partager mon cœur ; il est à toi tout entier ; mais comment résister à ses parents ?

— Tuons-nous tous les deux auprès de cette tombe ? dit Lon-Foo.

— Non, enfant, dit Li-Tso-Pé, nous sommes trop jeunes pour mourir et notre amour est une source intarissable de joies à laquelle nous n’avons bu encore que quelques gorgées. Qui sait ce que la mort nous réserve ? Vois-tu, j’ai conçu un projet :