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les cruautés de l’amour

suis décidée à vous céder cette métairie qui coupe en deux une de vos propriétés et que mon tuteur s’obstinait à vous refuser.

— Ah ! vous me comblez, vraiment vous me comblez ; dit le général.

— Maintenant, permettez-moi de vous présenter André Ivanovitch, mon fiancé, il veut embrasser la carrière militaire et sollicite votre protection. Jeune et follement brave comme il l’est, l’avenir est à lui, et il ne peut manquer de mériter votre estime.

Le général demeura un instant confondu.

— Ma foi ! s’écria-t-il bientôt, il faut savoir supporter héroïquement une défaite. Je ne puis vous en vouloir de m’avoir préféré ce charmant jeune homme. La franchise de son regard me plaît et il peut compter sur moi.

Les deux hommes échangèrent une cordiale poignée de main.

On annonça que le souper était servi. Tandis que l’on passait bruyamment dans la salle voisine, les fiancés, appuyés l’un sur l’autre, purent échanger quelques mots à voix basse.

— Depuis le jour où tu es entrée chez moi, disait André, chaque minute de ma vie, chaque parole sortie de tes lèvres sont restées gravées dans mon esprit.