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les cruautés de l’amour

Clélia baissa la tête pour dissimuler le sourire moqueur qui voltigeait sur ses lèvres.

— Regardez donc le général de W…, dit-elle un instant après, il est dans une agitation extraordinaire et nous jette des regards furieux, il est capable d’avoir une attaque d’apoplexie, ce qui ferait un esclandre. Permettez que j’aille lui parler.

Clélia s’approcha du général.

— Alors, donc déjà, vous épousez ce monsieur ? lui dit-il en roulant des yeux injectés de sang.

— Pourquoi cela ?

— Voici une heure que vous causez très-tendrement avec lui.

— Tendrement ? Nous parlions d’affaires. Mais il me semble que je m’excuse : est-ce que vous me feriez peur, guerrier farouche ? Ce ne peut être que cela, car je ne me souviens pas que vous ayez jamais mérité les égards que j’ai pour vous.

— Par malheur, l’occasion de vous prouver mon amour ne s’est jamais présentée, mais qu’elle vienne et vous verrez…

— Voyons, de quoi seriez-vous capable ?

— Ah ! s’écria le général avec un soupir bruyant, pour votre joli sourire, pour baiser le bout de vos doigts blancs, je ferais l’impossible… absolument.

— Eh bien, voyons donc, je vais vous demander quelque chose de presque impossible.