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les cruautés de l’amour

aussi et très-méprisante parfois. Si vous prenez pour époux un homme qui vous soit inférieur en éducation, il vous froissera souvent sans le vouloir, vous lui ferez alors cruellement sentir votre dédain, et s’il a quelque fierté dans le cœur votre intérieur deviendra un enfer. Je connais votre caractère indomptable, je sais que vous ne supporterez jamais une observation, quelque juste qu’elle soit.

— Ici, vous vous trompez, docteur. J’étais peut-être telle que vous me dépeignez, bien que le portrait soit un peu noir ; mais j’ai changé. Je suis maintenant très-capable de me laisser dominer par l’homme que j’aimerai et dont j’estimerai le caractère. Vous avouerai-je que ce jeune homme que vous avez vu mourant, m’a quelquefois fait trembler ; il y a en lui une énergie sauvage et une force d’âme qui me remplissent d’admiration et de respect. Lorsque vous le connaîtrez mieux, vous me comprendrez.

— J’admets très-volontiers qu’André, jeune comme il est, doué d’une élégance naturelle et d’un esprit très-ouvert, soit vite au courant des usages du monde ; mais ses parents, ils resteront ce qu’ils sont, serez-vous très-flattée d’avoir une belle-mère qui ne sait pas lire !

— Je lui donnerai une lectrice qui lira pour elle, dit Clélia. Ma pauvre Katia ! mais je l’aime de