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LE PONT-NEUF.

son ascension périlleuse, les ténèbres se faisaient moins intenses. Une lueur blafarde et brouillée pénétrait à travers les vitres jaunes des jours de souffrance pratiqués pour éclairer l’escalier, et qui donnaient sur une cour noire et profonde comme un puits de mine. Enfin, il arriva au dernier étage à demi suffoqué par les vapeurs méphitiques s’exhalant des plombs. Deux ou trois portes s’ouvraient sur le palier dont le plafond en plâtre sale était enjolivé d’arabesques obscènes, de tire-bouchons et de mots plus que rabelaisiens tracés par la fumée des chandelles, fresques bien dignes d’une pareille bicoque.

L’une de ces portes était entre-bâillée. Mérindol la poussa d’un coup de pied, ne voulant y toucher de la main, et pénétra sans plus de cérémonie dans l’unique chambre composant le Louvre du bretteur Jacquemin Lampourde.

Une âcre fumée lui piqua les yeux et le gosier, si bien qu’il se prit à tousser comme un chat qui avale des plumes en croquant un oiseau, et qu’il se passa bien deux minutes avant qu’il pût parler. Profitant de la porte ouverte, la fumée se répandit sur le palier, et le brouillard devenant moins épais, le visiteur put discerner à peu près l’intérieur de la chambre.

Ce repaire mérite une description particulière, car il est douteux que l’honnête lecteur ait jamais mis le pied dans un taudis pareil, et il ne saurait se faire l’idée d’un tel dénûment.

Le bouge était meublé principalement de quatre murs le long desquels les infiltrations du toit avaient