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LE PONT-NEUF.

rait vu, quelle sympathie peut-il se former entre nous ? »

Ces réflexions, et beaucoup d’autres qu’il serait trop long de rapporter, occupaient Sigognac, qui marchait silencieusement à côté de son compagnon. Hérode respecta cette rêverie, se divertissant à regarder les équipages aller et venir. Puis il fit observer au Baron qu’il allait être midi, et qu’il était temps de diriger l’aiguille de la boussole vers le pôle de la soupe, rien n’étant pire qu’un dîner froid, si ce n’est un dîner réchauffé.

Sigognac se rendit à ce raisonnement péremptoire, et ils reprirent le chemin de leur auberge. Rien de particulier n’avait eu lieu en leur absence. Il ne s’était passé que deux heures. Isabelle, tranquillement assise à table devant un potage étoilé de plus d’yeux que le corps d’Argus, accueillit son ami avec son doux sourire habituel en lui tendant sa blanche main. Les comédiens lui adressèrent des questions badines ou curieuses sur son excursion à travers la ville, lui demandant s’il possédait encore son manteau, son mouchoir et sa bourse. À quoi Sigognac répondit joyeusement par l’affirmative. Cette aimable causerie lui fit bientôt oublier ses sombres préoccupations, et il en vint à se demander en lui-même s’il n’était pas la dupe d’une imagination hypocondriaque qui ne voyait partout qu’embûches.

Il avait raison cependant, et ses ennemis, pour quelques tentatives avortées, ne renonçaient point à leurs noirs projets. Mérindol, menacé par le duc