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LE CAPITAINE FRACASSE.

tendaient tout sellés à l’écurie sous prétexte qu’ils voulaient matinalement partir.

— Je ne pense pas, répondit le Tyran, qu’ils osent rien tenter de jour. L’aide viendrait au moindre appel, et ils doivent d’ailleurs avoir encore le nez cassé de leur déconvenue. Scapin, Blazius et Léandre suffiront bien à garder Isabelle jusqu’à notre rentrée au logis. Mais de crainte de quelque querelle ou algarade par les rues, je vais prendre mon épée pour appuyer la vôtre au besoin. »

Cela dit, le Tyran boucla son majestueux abdomen d’un ceinturon soutenant une longue et solide rapière. Il jeta sur le coin de son épaule un petit manteau court qui ne pouvait embarrasser ses mouvements, et il enfonça jusqu’au sourcil son feutre à plume rouge ; car il faut se méfier, quand on passe les ponts, du vent de bise ou de galerne, lequel a bientôt fait d’envoyer un chapeau à la rivière, au grand ébaudissement des pages, laquais et galopins. Telle était la raison que donnait Hérode de cette coiffure ainsi rabattue, mais l’honnête comédien pensait que cela pourrait peut-être nuire plus tard à Sigognac gentilhomme d’avoir été vu publiquement avec un histrion. C’est pourquoi il dissimulait autant que possible sa figure trop connue du populaire.

À l’angle de la rue Dauphine, Hérode fit remarquer à Sigognac, sous le porche des Grands-Augustins, les gens qui venaient acheter la viande saisie chez les bouchers les jours défendus et se ruaient pour en avoir quelque quartier à bas prix. Il lui montra aussi les