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LE CAPITAINE FRACASSE.

ans de fard était inaltérable. La bise et l’aquilon n’y faisaient que blanchir.

Enfin l’on arriva vers quatre heures du soir, tout près de la grande ville, du côté de la Bièvre dont on passa le ponceau, en longeant la Seine, ce fleuve illustre entre tous, dont les flots ont l’honneur de baigner le palais de nos rois et tant d’autres édifices renommés par le monde. Les fumées que dégorgeaient les cheminées des maisons formaient au bas du ciel un grand banc de brume rousse à demi transparent, derrière lequel le soleil descendait tout rouge et dépouillé de ses rais. Sur ce fond de lumière sourde se dessinait en gris violâtre le contour des bâtiments privés, religieux et publics, que la perspective permettait d’embrasser de cet endroit. On apercevait de l’autre côté du fleuve, au delà de l’île Louviers, le bastion de l’Arsenal, les Célestins, et plus en face de soi la pointe de l’île Notre-Dame. La porte Saint-Bernard franchie, le spectacle devint magnifique. Notre-Dame apparaissait en plein, se montrant par le chevet avec ses arcs-boutants semblables à des côtes de poisson gigantesque, ses deux tours carrées et sa flèche aiguë plantée sur le point d’intersection des nefs. D’autres clochetons plus humbles, trahissant au-dessus des toits des églises ou des chapelles enfouies dans la cohue des maisons, mordaient de leurs dents noires la bande claire du ciel, mais la cathédrale attirait surtout les regards de Sigognac, qui n’était jamais venu à Paris et que la grandeur de ce monument étonnait.

Le mouvement des voitures chargées de denrées di-