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LE CAPITAINE FRACASSE.

d’Yolande et du vieux seigneur dans l’idée de s’aller assurer du fait avec une civilité assez brusque, mais non pas si prompte qu’il ne trouvât, quand il parvint au but, le nid sans l’oiseau. La dame, alarmée, était partie. Ce dont il resta fort perplexe et désappointé, quoiqu’il fût mari philosophe. « Serait-elle amoureuse de ce Léandre ? murmura-t-il ; heureusement j’ai fait bâtonner le fat par avance et je suis en règle de ce côté-là. » Cette pensée lui rendit sa sérénité et il alla derrière le rideau rejoindre la Soubrette, qui s’étonnait déjà de ne le point voir accourir et le reçut avec la mauvaise humeur simulée dont ces sortes de femmes agacent les hommes.

Après la représentation, Léandre, inquiet de ce que la marquise avait disparu subitement au milieu du spectacle, se rendit sur la place de l’église à l’endroit où le page venait le prendre avec le carrosse. Il trouva le page tout seul qui lui remit une lettre accompagnée d’une petite boîte fort lourde, et disparut si rapidement dans l’ombre que le comédien eût pu douter de la réalité de l’apparition s’il n’eût eu entre les mains la missive et le paquet. Appelant un laquais qui passait avec un falot pour aller chercher son maître en quelque maison voisine, Léandre rompit le cachet d’une main hâtive et tremblante, et, approchant le papier de la lanterne que le valet lui tenait à hauteur du nez, il lut les lignes suivantes :


« Cher Léandre, je crains bien que mon mari ne m’ait reconnue à la comédie, malgré mon masque ; il