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LE CAPITAINE FRACASSE.

puisse imaginer. Mademoiselle Yolande de Foix, cette belle personne si fière, si noble, si sérieuse, a daigné en sourire. Je l’ai bien vu.

— Ce m’est un grand honneur, fit Sigognac dont les joues s’empourprèrent subitement, d’avoir diverti cette beauté.

— Pardon, dit le Tyran qui s’aperçut de cette rougeur. Ce succès qui nous enivre, nous autres, pauvres baladins de profession, doit être indifférent à une personne de votre qualité, bien au-dessus des applaudissements, même illustres.

— Vous ne m’aviez point fâché, brave Hérode, dit Sigognac en tendant la main au Tyran ; il faut faire bien tout ce qu’on fait. Mais je ne pouvais m’empêcher de songer que ma jeunesse avait espéré d’autres triomphes. »

Isabelle, qui s’était habillée pour l’autre pièce, passa près de Sigognac et lui jeta, avant d’entrer en scène, un regard d’ange consolateur, si chargé de tendresse, de sympathie, de passion, qu’il en oublia tout à fait Yolande et ne se sentit plus malheureux. Ce fut un baume divin qui cicatrisa les plaies de son orgueil pour un moment du moins, car ces plaies-là se rouvrent et saignent toujours.

Le marquis de Bruyères était à son poste, et quelque occupé qu’il fût d’applaudir Zerbine pendant la représentation, il ne laissa pas que d’aller saluer Yolande, qu’il connaissait et dont parfois il suivait la chasse. Il lui conta, sans nommer le Baron, le duel du capitaine Fracasse avec le duc de Vallombreuse dont il savait