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LE CHÂTEAU DU BONHEUR.

creusant la terre alentour, et, se servant de sa bêche comme d’un levier, il parvint à hisser, malgré son poids considérable, le coffret mystérieux jusqu’au bord du trou, et le fit glisser sur la terre ferme. Puis il mit Béelzébuth dans le vide laissé par la boîte, et combla la fosse.

Cette besogne terminée, il essaya d’emporter sa trouvaille au château, mais la charge était trop forte pour un seul homme, même vigoureux, et Sigognac alla chercher le fidèle Pierre, pour qu’il lui vînt en aide. Le valet et le maître prirent chacun une poignée du coffre et l’emportèrent au château, pliant sous le faix.

Avec une hache, Pierre rompit la serrure, et le couvercle en sautant découvrit une masse considérable de pièces d’or : onces, quadruples, sequins, génovines, portugaises, ducats, cruzades, angelots et autres monnaies de différents titres et pays, mais dont aucune n’était moderne. D’anciens bijoux enrichis de pierres précieuses étaient mêlés à ces pièces d’or. Au fond du coffre vidé, Sigognac trouva un parchemin scellé aux armes de Sigognac, mais l’humidité en avait effacé l’écriture. Le seing était seul encore un peu visible, et, lettre à lettre, le Baron déchiffra ces mots : « Raymond de Sigognac. » Ce nom était celui d’un de ses ancêtres, parti pour une guerre d’où il n’était jamais revenu, laissant le mystère de sa mort ou de sa disparition inexpliqué. Il n’avait qu’un fils en bas âge et, au moment de s’embarquer dans une expédition dangereuse, il avait enfoui son trésor, n’en con-