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LE CHÂTEAU DU BONHEUR.

sur une longue jupe en satin gris de perle. Sa coiffure consistait en un chapeau d’homme, de feutre blanc, ombragé d’une plume bleue frisée, s’allongeant par derrière jusque sur le col. Pour que la rapidité de la course ne les dérangeât point, les blonds cheveux de la jeune femme étaient serrés dans un réseau d’azur à petites perles d’argent d’une coquetterie charmante.

Ajustée ainsi, Isabelle était adorable et, devant elle, les beautés les plus altières de la cour eussent été forcées d’amener pavillon. Cet habit cavalier faisait ressortir, dans la grâce ordinairement si modeste de la baronne, un côté fier qui sentait son origine illustre. C’était bien toujours Isabelle, mais c’était aussi la fille d’un prince, la sœur d’un duc, la femme d’un gentilhomme dont la noblesse datait d’avant les croisades. Vallombreuse le remarqua et ne put s’empêcher de dire : « Ma sœur, que vous avez aujourd’hui grande mine ! Hippolyte, reine des Amazones, n’était certes pas plus superbe et plus triomphante ! »

Isabelle, à qui Sigognac tint le pied, se mit légèrement en selle ; le duc et le baron enfourchèrent leurs montures, et la cavalcade déboucha sur la place du château, où elle rencontra le marquis de Bruyères et quelques gentilshommes du voisinage, qui venaient complimenter les nouveaux époux. On voulait rentrer, comme la politesse l’exigeait, mais les visiteurs prétendirent qu’ils ne seraient pas fâcheux jusqu’à interrompre une promenade commencée, et firent tourner tête à leurs chevaux, pour accompagner le jeune couple et le duc de Vallombreuse.