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LE CAPITAINE FRACASSE.

riaient, dans leurs cadres d’or, avec un air juvénile. Les douairières revêches, les chanoinesses prudes, ne faisaient plus, comme autrefois, la moue à Isabelle, de comédienne devenue baronne ; elles l’accueillaient comme de la famille.

Il n’y avait plus dans la cour ni orties, ni ciguës, ni aucune de ces mauvaises herbes que favorisent l’humidité, la solitude et l’incurie. Les pavés, sertis de ciment, ne présentaient plus cette bordure verte indice des maisons abandonnées. Par leurs vitres claires, les fenêtres des chambres dont les portes étaient jadis condamnées laissaient voir des rideaux de riche étoffe qui montraient qu’elles étaient prêtes à recevoir des hôtes.

On descendit au jardin par un perron dont les marches, raffermies et dégagées de mousses, ne vacillaient plus sous le pied trop confiant. Au bas de la rampe s’épanouissait, précieusement conservé, l’églantier sauvage qui avait offert sa rose à la jeune comédienne, le matin du départ de Sigognac. Il en portait encore une qu’Isabelle cueillit et mit dans son sein, voyant là un présage heureux pour la durée de ses amours. Le jardinier n’avait pas moins travaillé que l’architecte ; grâce à ses ciseaux, l’ordre s’était remis dans cette forêt vierge. Plus de branches gourmandes barrant le chemin, plus de broussailles aux ongles acérés ; on y pouvait passer sans laisser sa robe aux épines. Les arbres avaient repris l’habitude du berceau et de la charmille. Les buis retaillés encadraient dans leurs compartiments toutes les fleurs que