Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 2.djvu/365

Cette page a été validée par deux contributeurs.
358
LE CAPITAINE FRACASSE.

pliais les divinités du rêve de me représenter votre charmante image dans leur miroir fantastique.

— Et ces bonnes divinités vous exauçaient-elles souvent ?

— Elles n’ont pas trompé une fois mon attente, et le matin seul vous faisait disparaître par la porte d’ivoire. Oh ! la journée me paraissait bien longue, et j’aurais voulu toujours dormir.

— Je vous ai vu aussi bien des nuits de suite. Nos âmes amoureuses se donnaient rendez-vous dans le même songe. Mais, Dieu soit loué, nous voici réunis pour longtemps, pour toujours, je l’espère. Le prince, avec qui Vallombreuse doit être d’accord, car mon frère ne vous aurait pas légèrement engagé dans cette démarche, accueillera, sans nul doute, votre demande avec faveur. À plusieurs reprises, il m’a parlé de vous en fort bons termes, tout en me jetant un regard singulier qui me troublait extrêmement, et dont je n’osais alors comprendre la signification, Vallombreuse n’ayant point dit encore qu’il renonçât à sa haine contre vous. »

En ce moment le jeune duc revint et dit à Sigognac que le prince l’attendait.

Sigognac se leva, salua Isabelle et suivit Vallombreuse à travers plusieurs appartements au bout desquels se trouvait la chambre du prince. Le vieux seigneur, vêtu de noir, décoré de ses ordres, était assis près de la fenêtre dans un grand fauteuil, derrière une table recouverte d’un tapis de Turquie et chargée de papiers et de livres. Sa pose, malgré son air affable,