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HYMEN, Ô HYMÉNÉE !

et de vertu ; une attaque à main armée m’a donné un ami, et votre enlèvement vous a fait reconnaître d’un père qui vous cherchait en vain ; tout cela parce qu’un chariot s’est égaré dans les landes par une nuit obscure.

— Nous devions nous aimer, c’était écrit là-haut. Les âmes sœurs finissent par se trouver quand elles savent s’attendre. J’ai bien senti, au château de Sigognac, que ma destinée s’accomplissait ; à votre vue, mon cœur qu’aucune galanterie n’avait su toucher, éprouva une commotion. Votre timidité fit plus que toutes les audaces, et dès ce moment je résolus de n’appartenir jamais qu’à vous ou à Dieu.

— Et pourtant, méchante, vous m’avez refusé votre main quand je la demandais à genoux : je sais bien que c’était par générosité ; mais c’était une générosité cruelle.

— Je la réparerai de mon mieux, cher Baron, et la voici cette main, avec mon cœur que vous possédiez déjà. La comtesse de Lineuil n’est pas obligée aux mêmes scrupules que la pauvre Isabelle. Je n’avais qu’une peur, c’est que vous ne voulussiez plus de moi, par fierté. Mais, bien vrai, en renonçant à moi, vous n’auriez pas épousé une autre femme ? Vous me seriez resté fidèle, même sans espérance ? Ma pensée occupait la vôtre lorsque Vallombreuse est allé vous relancer dans votre manoir ?

— Chère Isabelle, le jour, je n’avais pas une idée qui ne volât vers vous, et le soir, en posant ma tête sur l’oreiller effleuré une fois par votre front pur, je sup-