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HYMEN, Ô HYMÉNÉE !

pour sa gentilhommière sans vous avoir vue, et c’eût été dommage ; convenez-en.

— J’en conviens, cher frère ; vous avez été en tout cela d’une bonté adorable. Vous seul pouviez, en cette circonstance, opérer la réconciliation, puisque vous seul aviez souffert.

— Oui, dit Sigognac, M. le duc de Vallombreuse a fait preuve à mon endroit d’une âme grande et généreuse ; il a mis de côté des ressentiments qui pouvaient sembler légitimes, et il est venu à moi la main ouverte et le cœur sur la main. Du mal que je lui ai fait, il se venge noblement en m’imposant une reconnaissance éternelle, fardeau léger, et que je porterai avec joie jusqu’à la mort.

— Ne parlez pas de cela, mon cher baron, répondit Vallombreuse ; vous en eussiez fait tout autant à ma place. Deux vaillants finissent toujours par s’entendre ; les épées liées lient les âmes, et nous devions former tôt ou tard une paire d’amis, comme Thésée et Pirithoüs, comme Nisus et Euryale, comme Pythias et Damon ; mais ne vous occupez pas de moi. Dites plutôt à ma sœur combien vous la regrettiez et pensiez à elle en ce manoir de Sigognac, où j’ai pourtant fait un des meilleurs repas de ma vie, quoique vous prétendiez que la règle est d’y mourir de faim.

— J’y ai aussi très-bien soupé, dit Isabelle en souriant, et j’en garde un agréable souvenir.

— Vous verrez, répliqua Sigognac, que tout le monde aura fait des festins de Balthazar dans cette tour de la famine ; mais je ne rougis pas de l’heureuse