Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 2.djvu/361

Cette page a été validée par deux contributeurs.
354
LE CAPITAINE FRACASSE.

se leva et se jeta au col de Vallombreuse, cachant sa tête contre l’épaule du jeune duc. Deux ou trois sanglots agitèrent le gracieux corps de la jeune fille, et quelques larmes mouillèrent le velours du pourpoint à la place où elle appuyait la tête. Par ce joli mouvement, si pudique et si féminin, Isabelle montrait toute la délicatesse de son âme. Elle remerciait Vallombreuse, dont elle avait compris l’ingénieuse bonté, et, ne pouvant embrasser son amant, elle embrassait son frère.

Quand il pensa qu’elle avait eu le temps de se calmer, Vallombreuse se dégagea doucement de l’étreinte d’Isabelle, et, lui écartant les mains dont elle se voilait le visage pour cacher ses pleurs, il lui dit : « Chère sœur, laissez-nous un peu voir votre figure charmante, ou mon protégé croira que vous avez pour lui une insurmontable horreur. »

Isabelle obéit et tourna vers Sigognac ses beaux yeux éclairés d’une joie céleste, malgré les perles brillantes qui tremblaient encore à ses longs cils : elle lui tendit sa belle main, sur laquelle le Baron, s’inclinant, appuya le baiser le plus tendre. La sensation en monta jusqu’au cœur de la jeune fille, qui manqua défaillir ; mais on se remet vite de ces émotions délicieuses.

« Eh bien, n’avais-je pas raison, dit Vallombreuse, de soutenir que vous recevriez bien le prétendu de mon choix. Cela est bon quelquefois de s’opiniâtrer en sa fantaisie. Si je ne m’étais montré aussi entêté que vous étiez résolue, le cher Sigognac serait reparti