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LE CAPITAINE FRACASSE.

derrière la nuque. Une chemise de grosse toile et des grègues de vieille serge composaient tout son costume. Il était en toilette d’échafaud ; toilette succincte. Le bourreau s’était déjà emparé de la défroque du condamné, comme c’était son droit, et ne lui avait laissé que ces haillons, bien suffisants pour mourir. Un système de cordelettes, dont le bout était tenu par l’exécuteur des hautes œuvres, placé à l’arrière de la charrette, afin que le patient ne le vît pas, maintenait Agostin, tout en lui laissant une liberté apparente. Un valet de bourreau, assis de côté sur un des brancards de la charrette, tenait les guides et fouettait à tour de bras la maigre rosse.

« Eh mais, dit Sigognac dans le carrosse, c’est le bandit qui m’a autrefois arrêté sur la grand’route en tête d’une troupe de mannequins ; je vous ai conté cette histoire pendant notre voyage à l’endroit où elle s’était passée.

— Je m’en souviens, fit Vallombreuse, et j’en ai ri de bon cœur ; mais, depuis, il paraît que le drôle s’est livré à des exploits plus sérieux. L’ambition l’a perdu ; il fait d’ailleurs assez bonne contenance. »

Agostin, un peu pâli sous son teint naturellement hâlé, promenait sur la foule un regard préoccupé et qui semblait chercher quelqu’un. En passant auprès de la croix de pierre, il aperçut le jeune enfant perché dont il a été question au commencement de ce chapitre et qui n’avait pas quitté sa place.

À cette vue un éclair de joie brilla dans ses yeux, un faible sourire entr’ouvrit ses lèvres ; il fit de la tête