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LE CAPITAINE FRACASSE.

quand elles crient, encore vaut-il mieux les bâillonner ; car, si l’on est pris, ces carnages attendrissent les juges et le populaire, et l’on a l’air d’un monstre.

— Tu parles comme Saint-Jean Bouche d’or, répondit Malartic, d’une façon si magistrale et si péremptoire, que je ne trouve rien à objecter ; mais que deviendra cette pauvre Chiquita ? »

Jacquemin Lampourde et Malartic philosophaient de la sorte quand un carrosse venant du quai déboucha sur la place et produisit sur la foule des ondulations et des remous. Les chevaux piaffaient sans pouvoir avancer, et parfois leurs sabots retombaient sur des bottes, ce qui amenait entre les malandrins et les laquais des dialogues hargneux et mêlés d’injures.

Les piétons ainsi foulés eussent volontiers assailli le carrosse si les armes ducales blasonnées sur le panneau de la portière ne leur eussent inspiré une sorte de terreur, bien que ce fussent gens à ne pas respecter grand’chose. Bientôt les groupes devinrent si drus, que l’équipage fut forcé de s’arrêter au milieu de la place, où de loin le cocher, immobile sur son siège, semblait assis sur des têtes. Pour s’ouvrir un chemin et passer outre, il eût fallu écraser trop de canaille, et cette canaille, qui, à la Grève, était chez elle, ne se serait peut-être pas laissé faire.

« Ces drôles attendent quelque exécution et ne laisseront le champ libre que lorsque le patient sera expédié, dit un beau jeune homme magnifiquement vêtu à un ami de très-belle mine aussi, mais en costume