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DÉCLARATION D’AMOUR DE CHIQUITA.

lieu à huit heures seulement. Aussi Jacquemin Lampourde, en entendant tinter l’horloge, dit-il à Malartic : « Tu vois bien que nous aurions eu le temps de boire encore une bouteille ; mais tu es toujours impatient et nerveux. Si nous retournions au Radis couronné ? je m’ennuie de faire le pied de grue et de croquer le marmot. Voir rouer un pauvre diable, cela vaut-il une si longue attente ? ce supplice est fade, bourgeois et commun. Si c’était quelque bel écartèlement à quatre chevaux montés chacun par un archer de la prévôté, quelque tenaillement avec pinces de fer rouge, quelque application de poix bouillante et de plomb fondu, quelque chose d’ingénieusement tortionnaire et de férocement douloureux, faisant honneur à l’imagination du juge ou à l’habileté du bourreau ; oh ! alors, je ne dis pas. Par amour de l’art, je resterais ; mais, pour si peu, fi donc !

— Je te trouve injuste à l’endroit de la roue, répondit sentencieusement Malartic en frottant son nez plus cramoisi que jamais ; la roue a du bon.

— On ne peut pas disputer des goûts. Chacun est entraîné par sa volupté particulière, comme dit un auteur latin fort célèbre dont j’ai oublié le nom, ma mémoire ne retenant volontiers que ceux des grands capitaines. La roue te plaît ; je ne te contrarierai pas là-dessus, et je te tiendrai compagnie jusqu’à la fin. Conviens, cependant, qu’une décollation faite avec une lame damasquinée, ayant dans le dos une rainure remplie de vif-argent pour lui donner du poids, exige du coup d’œil, de la vigueur, de la dextérité,