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DÉCLARATION D’AMOUR DE CHIQUITA.

pommes. De là, il découvrait le détail intéressant de l’échafaud, la roue pour tourner le patient, les cordelettes pour l’attacher, la barre pour lui briser les os ; toutes choses dignes d’être examinées.

Cependant si, parmi les spectateurs, quelqu’un se fût avisé d’étudier d’un œil plus attentif cet enfant ainsi perché, il eût démêlé dans l’expression de son visage un autre sentiment que celui d’une curiosité vulgaire. Ce n’était point le féroce appât d’un supplice qui avait amené là ce jeune être au teint bistré, aux grands yeux cernés de brun, aux dents brillantes, aux longs cheveux noirs, dont les mains gantées de hâle se crispaient sur les croisillons de pierre. La délicatesse de ses traits semblait même indiquer un autre sexe que celui qu’accusaient ses vêtements ; mais personne ne regardait de ce côté, et toutes les têtes se tournaient instinctivement vers l’échafaud ou vers le quai par lequel devait déboucher le condamné.

Parmi les groupes apparaissaient quelques figures de connaissance ; un nez rouge au milieu d’une face pâle désignait Malartic, et il passait assez du profil busqué de Jacquemin Lampourde par-dessus le pli d’un manteau jeté sur l’épaule à l’espagnole pour qu’on ne pût douter de son identité. Bien qu’il portât son chapeau enfoncé jusqu’au sourcil, afin de cacher l’absence de son oreille coupée par la balle de Piedgris, il était aisé de retrouver Bringuenarilles dans ce grand maraud assis sur une borne et fumant une longue pipe de Hollande pour passer le temps. Piedgris lui-même