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UNE TÊTE DANS UNE LUCARNE.

La jalousie des femmes se sentant menacées dans leurs succès et réduites à l’état de laiderons ou d’antiquailles l’avait bien reconnue avant qu’elle ne se fût démasquée.

Promenant un regard tranquille sur la salle émue, Yolande s’accouda au rebord de la loge, la main appuyée contre la joue dans une pose qui eût fait la réputation d’un sculpteur et tailleur d’images, si un ouvrier, fût-il grégeois ou romain, pouvait inventer une attitude de cette grâce distraite et de cette élégance naturelle.

« Surtout, mon oncle, n’allez pas dormir, dit-elle à demi-voix au vieux seigneur qui aussitôt écarquilla les yeux et se redressa sur son siège, cela ne serait pas aimable pour moi, et contraire aux lois de l’ancienne galanterie que vous vantez toujours.

— Soyez tranquille, ma nièce, quand les fadaises et billevesées que débitent ces baladins dont les affaires m’intéressent fort peu, m’ennuieront par trop grièvement, je vous regarderai et soudain j’ouvrirai l’œil clair comme basilic. »

Pendant ces propos d’Yolande et de son oncle, le capitaine Fracasse, marchant comme une paire de ciseaux forcée, s’avançait jusque près des chandelles, roulant des yeux furibonds et faisant la mine la plus outrageuse et la plus outrecuidante du monde.

Des applaudissements frénétiques éclatèrent de toutes parts à l’entrée de l’acteur favori, et l’attention se détourna un moment d’Yolande. À coup sûr, Sigognac n’était point vaniteux et son orgueil de gentil-