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XIX

ORTIES ET TOILES D’ARAIGNÉE


Le conseil d’Hérode était sage, et Sigognac se résolut à le suivre ; aucun attrait d’ailleurs, Isabelle devenue de comédienne grande dame, ne le rattachait plus à la troupe. Il fallait disparaître quelque temps, se plonger dans l’oubli, jusqu’à ce que le ressentiment causé par la mort probable de Vallombreuse se fût apaisé. Aussi après avoir fait, non sans émotion, ses adieux à ces braves acteurs qui s’étaient montrés si bons camarades pour lui, Sigognac s’éloigna de Paris, monté sur un vigoureux bidet, les poches assez convenablement garnies de pistoles, produit de sa part sur les recettes. À petites journées, il se dirigeait vers sa gentilhommière délabrée ; car, après l’orage, l’oiseau retourne toujours à son nid, ne fût-il que de bûchettes et de vieille paille. C’était le seul gîte où il pût se réfugier, et dans ses désespérances il éprouvait une sorte de plaisir à retourner au pauvre manoir de ses pères, qu’il eût peut-être mieux fait de ne pas quitter. En effet, sa fortune ne s’était guère améliorée, et cette dernière aventure ne pouvait que lui nuire. « Allons, se disait-il tout en cheminant, j’étais prédestiné à mourir de faim et d’ennui entre ces mu-