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UNE TÊTE DANS UNE LUCARNE.

fus ombrageaient des yeux dont l’âge n’avait pas éteint la vivacité et qui pétillaient encore par moments dans leurs cercles de rides brunes. Des moustaches et une royale auxquelles on eût pu appliquer cette épithète de grifaigne que les vieux romans de gestes attribuent invariablement à la barbe de Charlemagne, se hérissaient en virgules autour de sa bouche sensuelle et lippue : un double menton rattachait sa figure à son col replet, et l’apparence générale eût été assez commune sans le regard qui relevait tout cela et ne permettait pas de mettre en doute la qualité du personnage. Un collet en point de Venise se rabattait sur sa veste de brocart d’or, et son linge d’une blancheur éblouissante soulevé par un abdomen assez proéminent débordait et couvrait la ceinture d’un haut-de-chausses en velours tanné ; un manteau de même couleur, galonné d’or, jeté négligemment, se drapait au dos du siège. Il était facile de deviner en ce vieillard un oncle-chaperon, réduit à l’état de duègne par une nièce adorée malgré ses caprices ; on eût dit, à les voir tous deux, elle, svelte et légère, lui, pesant et refrogné, Diane menant en laisse un vieux lion demi-privé qui eût aimé mieux dormir en son antre qu’être ainsi promené de par le monde, mais qui cependant s’y résigne.

Le costume de la jeune fille prouvait par son élégance la richesse et le rang de celle qui le portait. Une robe de vert glauque, de cette nuance que les blondes les plus sûres de leur teint peuvent seules affronter, faisait valoir la blancheur neigeuse d’une