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EN FAMILLE.

de ce badinage, trop d’humilité ne me siérait pas. Je ne dirai donc point que je me regarde comme indigne d’une pareille union ; mais le marquis de l’Estang demanderait ma main à mon père, que je refuserais. Je vous l’ai déjà dit, mon frère, je ne veux point me marier, et vous le savez bien, vous qui me tourmentez de la sorte.

— Oh ! quelle humeur virginale et farouche vous avez, ma sœur ! Diane n’est pas plus sauvage en ses forêts et vallées de l’Hémus. Encore, s’il faut en croire les mauvaises langues mythologiques, le seigneur Endymion trouva-t-il grâce à ses yeux. Vous vous fâchez parce que je vous propose, en causant, quelques partis sortables ; si ceux-là vous déplaisent, nous vous en découvrirons d’autres.

— Je ne me fâche pas, mon frère ; mais décidément vous parlez trop pour un malade, et je vous ferai gronder par maître Laurent. Vous n’aurez pas, à souper, votre aile de poulet.

— S’il en est ainsi, je me tais, fit Vallombreuse avec un air de soumission, mais croyez que vous ne serez mariée que de ma main. »

Pour se venger de la moquerie opiniâtre de son frère, Isabelle commença l’histoire du corsaire barbaresque d’une voix haute et vibrante qui couvrait celle de Vallombreuse.

« Mon père, le duc de Fossombrone, se promenait avec ma mère, l’une des plus belles femmes, sinon la plus belle du duché de Gênes, sur le rivage de la Méditerranée où descendait l’escalier d’une superbe