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EN FAMILLE.

lui dit : « Vous voyez, monseigneur, que l’état de monsieur votre fils, loin d’avoir empiré, s’améliore sensiblement. Sans doute, il n’est point sauvé encore ; mais, à moins d’une complication imprévue que je fais tous mes efforts pour prévenir, je pense qu’il s’en tirera et pourra continuer ses destinées glorieuses comme s’il n’eût point été blessé. »

Un vif sentiment de joie paternelle illumina la figure du prince ; et comme il s’avançait vers la chambre pour embrasser son fils, maître Laurent lui posa respectueusement la main sur la manche et l’arrêta : « Permettez-moi, prince, de m’opposer à l’accomplissement de ce désir si naturel ; les docteurs sont fâcheux souvent, et la médecine a des rigueurs à nulle autre pareilles. De grâce, n’entrez pas chez le duc. Votre présence chérie et redoutée pourrait, en l’affaiblissement où il se trouve, provoquer une crise dangereuse. Toute émotion lui serait fatale, et capable de briser le fil bien frêle dont je l’ai rattaché à la vie. Dans quelques jours, sa plaie étant en voie de cicatrisation, et ses forces revenues peu à peu, vous aurez tout à votre aise et sans péril cette douceur de le voir. »

Le prince, rassuré, et se rendant aux justes raisons du chirurgien, se retira dans son appartement, où il s’occupa de lectures pieuses jusqu’au coup de midi, heure à laquelle le majordome le vint avertir « que le dîner de monseigneur était servi sur table. »

« Qu’on prévienne la comtesse Isabelle de Lineuil ma fille, — tel est le titre qu’elle portera désormais,