Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 2.djvu/293

Cette page a été validée par deux contributeurs.

XVIII

EN FAMILLE


Le chirurgien avait répondu jusqu’au lendemain de la vie de Vallombreuse. Sa promesse s’était réalisée. Le jour, en pénétrant dans la chambre en désordre, où traînaient sur les tables des linges ensanglantés, avait retrouvé le jeune malade respirant encore. Ses paupières même s’entr’ouvraient, laissant errer un regard atone et vitreux chargé des vagues épouvantes de l’anéantissement. À travers le brouillard des pâmoisons, le masque décharné de la mort lui était apparu, et par instant, ses yeux, s’arrêtant sur un point fixe, semblaient discerner un objet effrayant invisible pour d’autres. Pour échapper à cette hallucination, il abaissait ses longs cils dont les franges noires faisaient ressortir la pâleur de ses joues envahies par des tons de cire, et il les tenait obstinément fermés ; puis la vision s’évanouissait. Son visage reprenait alors une expression moins alarmée, et sa vue de nouveau se mettait à flotter autour de lui. Lentement son âme revenait des limbes, et son cœur, à petit bruit, sous l’oreille appliquée du médecin, recommençait à battre : faibles pulsations, témoignages sourds de la vie, que la science seule pouvait entendre. Les lèvres