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LA BAGUE D’AMÉTHYSTE.

— N’est-ce pas qu’il vivra, fit le prince ; si vous le sauvez, je vous ferai riche, je réaliserai tous vos souhaits ; ce que vous demanderez, vous l’obtiendrez.

— Oh ! n’allons pas si vite, dit le médecin, je ne réponds de rien encore ; l’épée a traversé le haut du poumon droit. Le cas est grave, très-grave. Cependant, comme le sujet est jeune, sain, vigoureux, bâti, sans cette maudite blessure, pour vivre cent ans, il se peut qu’il en réchappe, à moins de complications imprévues : il y a pour de tels cas des exemples de guérison. La nature chez les jeunes gens a tant de ressources ! La sève de la vie encore ascendante répare si vite les pertes et rajuste si bien les dégâts ! Avec des ventouses et des scarifications, je vais tâcher de dégager la poitrine du sang qui s’est répandu à l’intérieur et finirait par étouffer M. le duc, s’il n’était heureusement tombé entre les mains d’un homme de science, cas rare en ces villages et châteaux loin de Paris. Allons, bélître, continua-t-il en s’adressant à son élève, au lieu de me regarder comme un cadran d’horloge avec tes grands yeux ronds, roule les bandes et ploie les compresses, que je pose le premier appareil. »

L’opération terminée, le chirurgien dit au prince : « Ordonnez, s’il vous plaît, monseigneur, qu’on nous tende un lit de camp dans un coin de cette chambre et qu’on nous serve une légère collation, car moi et mon élève, nous veillerons tour à tour M. le duc de Vallombreuse. Il importe que je sois là, épiant chaque symptôme, le combattant s’il est défavorable, l’aidant s’il est heureux. Ayez confiance en moi, monseigneur,