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LA BAGUE D’AMÉTHYSTE.

doit se briser mon amour, et tué mon espérance avec l’épée qui défendait mon bien. Pour garder ce que j’aime, je me l’ôte à jamais. De quel front irai-je me présenter les mains rouges de sang, à Isabelle en deuil ? Hélas, ce sang, je l’ai versé pour sa propre défense, mais c’était le sang fraternel ! Quand bien même elle me pardonnerait et me verrait sans horreur, le prince, qui maintenant a sur elle des droits de père, repoussera, en le maudissant, le meurtrier de son fils. Oh ! je suis né sous une étoile enragée.

— Tout cela sans doute est fort lamentable, répondit Hérode, mais les affaires du Cid et de Chimène étaient encore bien autrement embrouillées comme on le voit en la pièce de M. Pierre de Corneille, et cependant, après bien des combats entre l’amour et le devoir, elles finirent par s’arranger à l’amiable, non sans quelques antithèses et agudezzas un peu forcées dans le goût espagnol, mais d’un bon effet au théâtre. Vallombreuse n’est que d’un côté frère d’Isabelle. Ils n’ont point puisé le jour au même sein, et ne se sont connus comme parents que pendant quelques minutes, ce qui diminue fort le ressentiment. Et d’ailleurs notre jeune amie haïssait comme peste ce forcené gentilhomme, qui la poursuivait de ses galanteries violentes et scandaleuses. Le prince lui-même n’était guère content de son fils, lequel était féroce comme Néron, dissolu comme Héliogabale, pervers comme Satan, et qui eût été déjà vingt fois pendu, n’était sa qualité de duc. Ne vous désespérez