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LE CAPITAINE FRACASSE.

fait perdre de sa fraîcheur, et tout en marchant elle en respirait le parfum.

Quand le jeune couple s’approcha du château, un vieillard de l’aspect le plus vénérable et le plus majestueux, sur la poitrine duquel étincelaient plusieurs ordres, et dont la physionomie était totalement inconnue à Sigognac, fit quelques pas hors du porche comme pour souhaiter la bienvenue aux jeunes époux. Mais ce qui surprit fort le Baron, c’est que près du vieillard se tenait un jeune homme de la plus fière tournure dont il ne distinguait d’abord pas bien les traits, mais qui bientôt lui parut être le duc de Vallombreuse. Le jeune homme lui souriait amicalement et n’avait plus son expression hautaine.

Les tenanciers criaient : « Vive Isabelle, vive Sigognac », avec les démonstrations de la joie la plus vive. À travers le tumulte des acclamations, une fanfare de chasse se fit entendre ; bientôt du milieu d’un taillis déboucha sur la clairière, cravachant son palefroi rebelle, une amazone dont les traits ressemblaient beaucoup à ceux d’Yolande. Elle flatta de la main le col de son cheval, le mit à une allure plus modérée, et passa lentement devant le manoir : Sigognac suivait, malgré lui, des yeux la superbe chasseresse dont la jupe de velours s’enflait comme une aile, mais plus il la regardait, plus la vision pâlissait et se décolorait. Elle prenait des diaphanéités d’ombre, et à travers ses contours presque effacés on distinguait plusieurs détails du paysage. Yolande s’évanouissait comme un souvenir confus devant la réalité d’Isa-