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LE CAPITAINE FRACASSE.

Cependant Lampourde et Scapin recevaient les laquais de la belle manière ; Lampourde les lardait de sa longue rapière comme des rats, et Scapin leur martelait la tête avec la crosse d’un pistolet qu’il avait ramassé. Voyant leur maître blessé qui s’adossait au mur et s’appuyait sur la garde de son épée, la figure couverte d’une pâleur blafarde, ces misérables canailles, lâches d’âme et de courage, abandonnèrent la partie et gagnèrent au pied. Il est vrai que Vallombreuse n’était point aimé de ses domestiques, qu’il traitait en tyran plutôt qu’en maître, et brutalisait avec une férocité fantasque.

« À moi, coquins ! à moi, soupira-t-il, d’une voix faible. Laisserez-vous ainsi votre duc sans aide et sans secours ? »

Pendant que ces incidents se passaient, comme nous l’avons dit, Hérode montait d’un pas aussi leste que sa corpulence le permettait, le grand escalier, éclairé, depuis l’arrivée de Vallombreuse au château, d’une grande lanterne fort ouvragée et suspendue à un câble de soie. Il arriva au palier du premier étage, au moment même où Isabelle échevelée, pâle, sans mouvement, était emportée comme une morte par les laquais. Il crut que pour sa résistance vertueuse le jeune duc l’avait tuée ou fait tuer, et, sa furie s’exaspérant à cette idée, il tomba à grands coups d’épée sur les marauds, qui, surpris de cette agression subite dont ils ne pouvaient se défendre, ayant les mains empêchées, lâchèrent leur proie et détalèrent comme s’ils eussent eu le diable à leurs trousses. Hérode, se