Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 2.djvu/266

Cette page a été validée par deux contributeurs.
259
LA BAGUE D’AMÉTHYSTE.

de la sorte à notre secours ! et par quel miracle cette porte cède-t-elle toute seule après avoir tant résisté ?

— Il n’y a ni ange ni miracle, répondit Chiquita en sortant de derrière la porte et fixant sur le Baron son regard mystérieux et tranquille.

— Où est Isabelle ? » cria Sigognac, parcourant de l’œil la salle faiblement éclairée par la lueur vacillante d’une petite lampe.

Il ne l’aperçut point d’abord. Le duc de Vallombreuse, surpris par la brusque ouverture des battants, s’était acculé dans un angle, plaçant derrière lui la jeune comédienne à demi pâmée d’épouvante et de fatigue ; elle s’était affaissée sur ses genoux, la tête appuyée à la muraille, les cheveux dénoués et flottants, les vêtements en désordre, les ferrets de son corsage brisés tant elle s’était désespérément tordue entre les bras de son ravisseur, qui, sentant sa proie lui échapper, avait essayé vainement de lui dérober quelques baisers lascifs, comme un faune poursuivi entraînant une jeune vierge au fond des bois.

« Elle est ici, dit Chiquita, dans ce coin, derrière le seigneur Vallombreuse ; mais pour avoir la femme, il faut tuer l’homme.

— Qu’à cela ne tienne, je le tuerai, fit Sigognac en s’avançant l’épée droite vers le jeune duc déjà tombé en garde.

— C’est ce que nous verrons, monsieur le capitaine Fracasse, chevalier de bohémiennes, » répondit le jeune duc d’un air de parfait dédain.

Les fers étaient engagés et se suivaient en tournant